Ces codes ont voyagé avec le tango et sont aujourd’hui appliqués dans pratiquement toutes les milongas du monde. Prêt·e à découvrir les us et coutumes de ce grand continent mystérieux : la milonga ?
Nous vous présenterons d’abord les codigos principaux, nécessaires pour se repérer dans une milonga. Puis quelques spécificités encore plus traditionnelles que l’on rencontre plus rarement. Dans tous les cas, observez les comportements dans la milonga où vous vous trouvez, pour vous mêler au mieux à son esprit et son ambiance.
Les codes incontournables de la milonga
Les codes de la milonga fondamentaux concernent trois points : 1) comment on circule pour danser, 2) comment est organisée la musique, et 3) comment se passent les invitations.
1) Circulation : Sens du bal
Le tango est une danse dans laquelle on se déplace. Pour ne pas créer un immense chaos, tous les couples se déplacent dans le même sens : le sens inverse des aiguilles d’une montre.
Pour vous insérer dans la ronda, cherchez le regard de la personne qui guide juste avant vous, elle vous fera un petit signe et vous laissera la place.
En suite, repérez le couple devant vous et suivez-le sans jamais vous écarter de votre chemin, ni reculer, ni doubler : quand il s’arrête, on danse sur place, quand il avance, on avance. Il peut y avoir plusieurs « voies » côte à côte : un cercle extérieur, un cercle plus intérieur et parfois un autre encore au milieu. Repérez l’espace dont vous disposez pour ne pas empiéter sur la voie voisine et ne doublez jamais !
Enfin, si par malheur on effleure un·e voisin·e, quel·le que soit le/la coupable, on s’excuse. Et on augmente sa vigilance...
C’est une gymnastique assez pointue mais avec l’expérience on s’y habitue ! Et c’est un plaisir immense quand le bal tourne bien et que tout le monde danse vraiment en osmose avec les couples voisins.
Ça vaut vraiment l’effort !
2) Musique : Tanda et cortina
Les musiques sont organisées en groupes de 4 tangos, ou 3 valses, ou 3 milongas alternativement (les tandas), séparées par des musiques qui n’ont rien à voir (les cortinas).
Cortina veut dire "rideau" en castillan et faut-il le repréciser ? Tanda s'écrit avec un A tAnda, et non un E !
Traditionnellement, on danse jusqu’à la fin de la tanda avec la même personne. S’arrêter avant serait mal pris par le/la partenaire, comme s’arrêter au milieu d’un morceau dans d’autres danses ! Et on remercie seulement à la fin de la tanda, sinon votre partenaire pourrait croire que vous le/la congédiez.
ATTENTION : ces règles ne valent rien en cas de comportement déplacé ou de blessure, évidemment ! Écoutez-vous en priorité !
3) Invitations : Mirada et cabeceo
Traditionnellement à la milonga, on n’invite pas en posant la question verbalement, mais par un échange de regards (mirada) et un signe de tête (cabeceo).
Un exemple de miradas et cabeceos au début de cette belle vidéo · crédit vidéo Eduardo Fraschini
Quand vous voulez danser avec quelqu’un, placez-vous à quelques mètres et regardez-le ou la droit dans les yeux. S’il/elle détourne le regard, c’est non, n’insistez pas. Vous pourrez à nouveau retenter plus tard. S’il/elle soutient votre regard et fait un signe de tête ou attend votre signe de tête, banco ! Souriez, et c’est parti.
Vous vous retrouvez alors sur la piste pour danser les morceaux qui restent jusqu’à la fin de la tanda. Le plus souvent, pour être sûr·e de son coup, on garde un eye contact régulier jusqu’à s’être retrouvés sur la piste.
Mais malgré tous vos efforts, vous aurez forcément quelques bonnes anecdotes de cabeceos ratés à raconter aux générations futures ;)
On n’est pas obligé·e d’utiliser ce code, mais il est bon de le connaître, surtout si vous trouvez qu’il est difficile de trouver un·e partenaire de danse ! Comme toujours, observez les usages dans la milonga où vous êtes et adaptez-vous : si personne n’utilise le cabeceo, alors sentez-vous libre d’aller inviter directement par la parole.
Pour les danseurs qui viennent vous voir frontalement et que vous préférez éviter, apprenez quand même à dire non : un « non merci » ferme et poli suffit. Pas besoin d'une raison pour refuser. (Si le danseur insiste, évitez-le doublement !)
Et acceptez toujours de bonne grâce un refus. Chacun·e danse avec qui il/elle veut.
Les milongas très traditionnelles
Certains codes traditionnels de la milonga n’ont pas vraiment « pris » autour du monde et on ne les retrouve que dans certains lieux particulièrement conventionnels.
Une seule tanda
C’est le cas de la tanda unique. À Buenos Aires, on ne danse jamais plus d’une tanda à la suite. Il est très mal vu d’en danser une deuxième et même de simplement rester sur la piste pendant une cortina (sauf pour danser autre chose si l'ambiance est festive !). Lorsque la cortina retentit, on vide la piste et lorsque la tanda suivante commence, on cherche un·e autre partenaire. Dans le reste du monde, la moyenne oscille entre une et deux tandas. À Paris par exemple, la plupart du temps on dansait deux tandas, mais depuis quelques années la mode est plutôt repassée à une seule.
Plus que deux tandas est parfois admis, parfois non : à vous d’observer.
Garder les pieds au sol
Dans certains événements classiques comme des milongas anciennes de Buenos Aires ou les encuentros en Europe, il est d’usage de ne faire aucun mouvement aérien avec la jambe libre. Pas de boleos en l’air notamment. Cela concerne surtout les followers. Cette règle n’est pas toujours aussi stricte, mais il est important dans tous les cas de ne pas laisser traîner sa jambe libre si l’on n’est pas certain·e d’avoir la place. Les grands jeux de jambes sont réservés à la fin de la milonga, quand la piste est plus clairsemée.
Raccompagner sa danseuse
Certaines règles de galanterie veulent que l’homme (ici on distingue selon le genre, tradition oblige ! ;) ) vienne chercher sa partenaire à sa table une fois le cabeceo accepté et qu’il la raccompagne jusqu’à sa chaise à la fin de la tanda. En Europe le plus souvent, on se retrouve sur la piste et on se sépare de même, après s’être remerciés.
Tables réservées
Dans certaines milongas traditionnelles, il est courant de réserver une table en groupe à l’avance. On ne peut alors s’asseoir qu’à son propre siège, que personne d’autre ne peut vous emprunter. Vous êtes assuré·e d’être bien installé·e, mais vous ne pouvez pas vous lever pour inviter qui vous voulez. Heureusement, avec l’expérience, les miradas sont efficaces même à travers une grande pièce… En Europe, c’est une pratique plus rare et dans la plupart des cas, on s’assoit si on trouve une place et on se déplace librement entre un coin ou un autre de la pièce, entre le bar et le bord de la piste.
Le summum du traditionnel
Dans des milongas très traditionnelles comme El Beso à Buenos Aires, votre emplacement est carrément choisi à votre arrivée par l’organisateur, qui vous désigne un siège. Les hommes sont installés sur deux côtés de la piste et les femmes sur les deux autres côtés et on ne se rencontre que pour danser – sauf si on est venus et assis en couple, auquel cas on aura peu de chances de danser avec quelqu’un d’autre. Dans ce dernier type de milonga, il va sans dire que les invitations ne se font que par mirada et cabeceo, qu’on ne danse qu’une seule tanda, qu’on raccompagne ou se fait raccompagner jusqu’à son siège, qu’une courtoisie extrême est de mise à tout moment, et qu’on met un point d’honneur à circuler parfaitement sur la piste lorsqu’on danse : les hommes restent toujours pile à leur place dans la ronda et les femmes gardent leurs pieds au sol. Toute la tradition présente en un seul lieu.
Croyez-moi si vous voulez, moi qui imaginais que j’allais détester cet endroit (El Beso), j’ai vraiment aimé. C'est vrai, je n'étais pas à l’aise coincée sur ma chaise et plusieurs fois j’aurais aimé aller passer un moment au bar… Pourtant l’ambiance était très calme et respectueuse, avec beaucoup de vieux messieurs passionnés (les fameux « vieux milongueros ») et les contraintes, finalement, donnaient une assez grande liberté pour choisir ses danseurs et évoluer sur la piste.
Conclusion
Ces codes peuvent paraître étranges à première vue, mais très vite vous risquez d’y prendre goût ! Cela dit, il est vraiment possible de trouver des endroits avec le degré de tradition qui vous convient : certain·es préfèrent des ambiances cools où ces codes ne sont pas vraiment observés, d’autres sont plus à l’aise dans des milongas traditionnelles… À chacun de faire son choix, de respecter ceux des autres et d’observer les us et coutumes de la milonga où on se trouve pour bien s’y intégrer.
Quoi qu'il en soit, on pourra toujours débattre de l’organisation du bal, du type de musique à passer, des règles qui s’imposent au DJ, du temps qu’on doit passer avec un·e partenaire… Mais pour ne pas créer de chaos, il toujours faut au minimum du minimum apprendre à respecter le sens du bal !
Et à respecter les gens, cela va sans dire – mais cela va mieux en le (re)disant ;)
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