Il n’est pas si nécessaire de bien savoir danser le tango pour aller en milonga. Il "suffit" de trouver un·e partenaire motivé·e pour danser avec soi et hop là, c’est parti. Marcher, tourner, improviser, inventer : au bal dans tous les cas, on fait avec ce qu’on a, et même si notre éventail de pas et de séquences est très réduit, on peut s’amuser. (Si si, on peut !)
Mais il y a UNE condition pour se lancer sur la piste : savoir circuler.
Le tango c’est se prendre dans les bras et marcher : notre pas de base, c’est simplement la marche. Contrairement à beaucoup de danses de couple, on se déplace dans le bal et la piste ne cesse d’avancer. C’est ce qu’on appelle « la ronda ». Pour éviter le chaos, les Argentins ont inventé une convention très maline, c’est que tout le monde marche dans le même sens ;) Le sens du bal : on se déplace dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
Et c’est vrai dans toutes les milongas du monde !
La mission des leaders
La milonga n’est pas toujours identiquement pleine ou vide. Il est important quand on rentre sur la piste de vérifier quel espace chaque couple peut occuper pour que tous aient environ la même place.
Avancer
Restez toujours conscient·e de l’avancée du bal, et adaptez la direction et l’amplitude de vos mouvements : parfois, on danse presque sur place, parfois ça avance assez vite, ne vous endormez pas !
Lorsqu’on guide, on choisira des mouvements circulaires ou sur place lorsqu’on est bloqué, et des déplacements plus amples lorsque l’espace se libère devant soi. Astuce pour vous : quand vous regardez vos pieds, vous ne voyez rien d’autre : levez la tête ! Autre chose, quand vouscopiez tel quel une séquence apprise par cœur, vous risquez de vous déconnecter du mouvement de la piste. Adaptez-vous ;)
N’oubliez pas : s’il n’y a personne devant vous, c’est que tout le monde est coincé derrière vous. ;) Avancez !
Bien sûr, on laissera si possible un petit espace derrière le couple qui vous précède, pas besoin de les coller au c... ;)
Ne jamais reculer
Même s’il y a de la place derrière vous, ne reculez pas : l’espace appartient au couple qui arrive, c’est sa mission à lui de venir remplir cet espace. Un petit pas en arrière, c’est le maximum ! Et si vous devez tourner autour de vous, vérifiez quelle marge de manœuvre vous laisse le couple qui vous suit.
Attention aux pas côté
On y pense moins, mais sur le côté, souvent il y a une autre « voie de circulation ». Les couples qui l’empruntent gèrent leur propre espace et leur propre distance : ne vous servez pas de cette place pour doubler ! On ne double simplement pas. Si ça n’avance pas, on en profite pour faire des pas circulaires ou sur place.
Une astuce très pratique consiste à se placer non pas face au sens du bal, mais un peu en biais, lègèrement tourné·e vers l’extérieur : ainsi vos pas côté formeront une petite diagonale par rapport au sens du bal, et vous resterez dans votre couloir sans déranger personne.
Un cabeceo pour entrer dans la ronda
Un détail est souvent oublié, alors qu’il est tellement agréable, c’est le moment où un couple s’introduit dans la ronda. Quand vous guidez, ne vous placez pas directement sans regarder au hasard de la piste. Restez sur le bord avec votre partenaire et cherchez le regard du/de la guideur·se du couple qui arrive et faites un cabeceo (signe de tête) : si on vous répond d’un signe de tête ou un sourire, c’est qu’on vous a vu·e et qu’on vous laisse la place. Cette attention sera toujours la bienvenue !
Le rôle des followers
Lorsqu’on suit, on se sent parfois très loin de ces préoccupations. Pourtant, la responsabilité des followers est importante pour que tout se passe bien.
Il faut rester très conscient·e de notre marge de manœuvre.
Est-ce qu’il y a la place de faire de grands mouvements avec les jambes, ou est-ce qu’il faut ranger ses pieds ? Est-ce qu’on peut amplifier ou jouer avec le guidage, ou bien se faufiler autour de son/sa partenaire en dissociant beaucoup pour prendre le moins de place possible ?
Peut-on faire une confiance absolue à notre guideur·se, ou faut-il rester très vigilant·e ? Peut-on fermer les yeux et se laisser emmener, ou faut-il garder les yeux bien ouverts car la piste est particulièrement chaotique ?
Si vous voyez que votre leader fonce tout droit vers un obstacle ou une personne, ou qu’il/elle vous guide un grand pas à reculons, bloquez-le/la tout simplement. Vous avez un angle de vue différent et vous voyez parfois des obstacles qui lui ont échappé. C’est aussi votre responsabilité de les éviter.
Attention à votre jambe libre
Il est évident que dans une milonga très chargée, on gardera ses pieds au sol. Pas de fioritures les pieds en l’air, pas de boleo haut ! Même si vous sentez que l’énergie de votre partenaire vous suggère un grand mouvement de jambe libre, contenez l’énergie et gardez vos pieds sous vous.
De même, quand il n’y a pas de place, les grands lapiz ou planeos (ronds de jambe) sont à éviter. Encore une fois : vos jambes doivent tracer le trajet le plus court d’un appui à un autre, et ne pas sortir de l’espace délimité par l’abrazo.
Attention par exemple aux sorties de ganchos : vérifiez que vous avez la place de finir le « fouet » avec votre jambe, sinon il faut la glisser vers le haut ou vers le bas pour que votre pied ne dépasse pas de votre genou.
Quand il y a de la place, bingo ! Là vous pouvez vous en donner à cœur joie J Néanmoins, prenez l’habitude de toujours jeter un œil derrière vous avant d’envoyer un immense boleo arrière !
Une dose de bon sens et un flow délicieux !
Finalement, une fois qu’on a compris que c’est dans l’intérêt général que la ronda circule bien et de manière fluide, ces « règles de circulation » sont juste des réflexes de bon sens pour bien danser sans se gêner.
S’excuser
Malgré tous nos efforts, parfois, on s’effleure, on se touche franchement, voire on se heurte. Dans tous les cas, le plus simple est de ne pas chercher qui est coupable, mais de s’excuser quoi qu’il arrive. Bien évidemment, votre réaction sera proportionnelle à l’événement. Au minimum, un coup d’œil pour vérifier que tout va bien, un petit geste de la main pour s’excuser et au pire, si la rencontre a été un peu brutale, on s’arrête pour demander si tout va bien, voire on retourne s’excuser à la fin du morceau. Croyez-moi, il est toujours plus agréable de mettre son orgueil dans sa poche et de la jouer collectif !
Choisir son voisinage
De même qu’on choisit les personnes avec qui on a envie de danser, de même quand on guide, on finit par choisir derrière ou devant qui on se place : certain·es guides sont réputé·es pour leur fluidité et leur attention et c’est un plaisir de danser proche d’eux/elles, et de savoir que la piste est safe. Ça serait tellement cool que chacun·e tente de devenir cette personne de référence !
Profiter du flow !
Avec la pratique, vous remarquerez à quel point une milonga qui circule mal peut devenir un cauchemar, alors qu’à l’inverse, quand tout se passe bien, on peut se consacrer pleinement et sereinement à la danse et à la connexion entre partenaires.
Et c’est un des grands bonheurs de la milonga de sentir que l’on danse, non pas seulement à deux, mais tou·tes ensemble dans le même flow !
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